Et si, finalement, je décidais enfin de m’aimer?
Toute ma vie, je me suis sentie prisonnière de mon propre corps. Prisonnière de l’image que j’avais de lui. Comme si je ne voulais pas me laisser être celle que je savais que j’étais parce que mon corps m’en empêchait, parce que je le trouvais LAID. Toute ma vie, je me suis trouvé de nouveaux complexes, de nouvelles manières de me détester. Je n’ai jamais été capable d'allumer la lumière pour faire l’amour et même les rares fois où je l’ai fait, je ne me sentais pas libre. Je réfléchissais tellement que ça me donnait mal au ventre et je me disais que je ne serais jamais assez pour personne, ni même pour moi-même. Je me sentais prise au piège de mon propre corps. Incapable de me laisser aller, de m’évader, de regarder mon corps et de l’aimer. J’ai décidé que ce corps n'était pas le mien et que je n’étais pas ce corps.
Un jour, je me suis dit que je vivrais probablement mieux si j’acceptais juste mon corps tel qu’il est. Qu'il était enfin temps que je me libère de la pression que je me mettais chaque jour et que j’accepte que mon corps était. Je me trouvais laide nue, mais la plupart du temps, j’étais habillée et ça m'allait. J’aimais la femme que j’étais et que je devenais. J’étais capable de me regarder dans le miroir, habillée, et de me trouver importante, courageuse, fonceuse. Je me trouvais belle. Je me trouvais belle même au naturel, vulnérable, émotive et explosive. Je commençais à m’aimer, à m’estimer et à me voir telle que j’étais. Sauf qu’être nue, c'était ça ma plus grande peur, c'était ça qui me faisait sentir vulnérable. Je me sentais forte quand on me regardait, mais chaque morceau de vêtement que j’enlevais me faisait revenir un pas en arrière. Redevenir cette fille fragile et insécure. Je perdais toute confiance en moi.
Cher corps
To do list:
Te respecter;
Te valoriser;
T’estimer;
T’écouter;
Te faire confiance;
T’aimer.
Je m’en veux d’avoir été aussi dure envers moi-même, je m’en veux d’avoir tellement accordé d’importance à mon physique et pas assez aux autres choses qui m’entouraient, je m’en veux principalement d’avoir accepté de me faire manipuler aussi sauvagement par des standards de beauté auquel j’ai voulu correspondre pendant toute mon adolescence. J’ai accordé tellement d’importance à ce que les gens pensent de moi. J’ai détesté au moins une fois chaque partie mon corps, il n’y a pas une partie de mon corps que je n’ai jamais jugée. J’ai toujours été en train de chercher des petits défauts par-ci par- là et à me cacher derrière de larges vêtements, des vêtements trop grands pour moi pour ne pas que les autres voient les défauts de mon corps que je voyais extrêmes.
Maintenant, il y a des moments où je me sens vulnérable dans mon corps et d'autres moins, où je me sens plus confiante. La société joue un rôle sur la perception de soi, mais je pense qu'un jour, il faut réaliser qu’on a le contrôle... J'en veux énormément à la société de nous livrer des idéaux de beauté qui sont totalement inatteignables. En plus, quand tu es jeune, tu veux juste être accepté, tu veux juste être normal, tu veux juste être comme tout le monde, tu veux juste être bien. J’ai réalisé qu'être bien dans ma peau était peut-être plus difficile que pour d’autres. J’ai réalisé que c’était le combat d’une vie, de ma vie. Et je ne veux pas le perdre ! C’est un combat qui m’appartient et je n’ai pas envie de le laisser entre les mains de personne d’autre que moi.
Aujourd’hui, je réalise que la prison est juste dans ma tête. Quand je regarde en arrière et que je pense aux gens qui me félicitaient quand je perdais du poids, mais qu’ils se faisaient du souci pour moi quand j’en prenais… pourquoi les ai-je laissés juger mon corps? C’est complètement intime et ça ne leur appartient pas. Je suis une belle personne et, toi aussi, tu es une belle personne. J’espère que c’est ce que tu ressens.
Cher corps,
Je me pardonne.
Camille Dargis