Assise à mon pupitre pour un énième cours de mathématiques, je vois mon enseignante ouvrir la porte à un intervenant de mon école. Il nomme mon nom et me sort de la classe pour m’emmener dans son bureau.
- Est-ce que tu sais pourquoi je suis venu te chercher? me demande-t-il.
Quelques jours auparavant, j’avais parlé à mon copain de ce qui me pesait sur les épaules. Consciente que j’avais besoin d’aide, j’ai fini par lui demander d’aller parler à quelqu'un pour moi.
- Oui, je sais, répondis-je.
- Qu'est-ce qui se passe?
Coup de pression. Tous les membres de mon corps se mettent à trembler incontrôlablement, ma respiration s'accélère, une boule se forme dans ma gorge et ravale chaque son qui oserait s’échapper. Qu’est-ce que je fais? Comment admettre que je ne vais pas bien? Comment lui dire que me couper la peau est le seul moyen que j’ai trouvé pour libérer ma souffrance alors que tout mon être me hurle de rester silencieuse? Je ne veux pas qu’il sache. Je ne veux pas que qui que ce soit sache.
Silence
Parler. Qu’est-ce qui va se passer si je ne parle pas? Je vais continuer d’encaisser la douleur sans la comprendre. Qu’est-ce qui va se passer si je parle? J’aurais une chance d’obtenir l’aide dont j’ai besoin.
…
Je sors de ce bureau complètement épuisée. Cela demande énormément de s’ouvrir pour la première fois. D’un autre côté, j’étais soulagée. L’intervenant avait envoyé une demande de suivi au CLSC.
Environ deux semaines se sont écoulées avant mon premier rendez-vous avec une psychoéducatrice. Le début du suivi est assez compliqué puisque j’ai énormément de difficulté à sortir de ma tête les choses que j'encaisse. Au fil des rencontres, une relation de confiance s’installe entre elle et moi. Petit à petit, je réussis à parler, je laisse fendre mon armure. Au bout de quelques mois ont suivi de multiples rencontres avec des médecins qui ne me prennent pas au sérieux et qui estiment que, puisque je ne m’ouvre pas les veines, il n’y a aucune urgence. Je sais, c’est n’importe quoi.
J'en ai eu des rencontres désagréables avant de finalement avoir accès à un diagnostic et à une médication. Je vous assure que tous ces efforts en valent la peine.
Girafe