Devoirs, examens, résultats : ma vie, mon trépas.
Un cycle sans fin, un courant irréfrénable d’anxiété de performance et de manque de sommeil. Des soirées sans fin où je me perds dans la poussière de graphite étalée sur une pile infinie de feuilles. Mon estime de moi se trouve sur le papier, un chiffre inscrit là où je devrais être vue, là où je suis réellement remarquable.
C’est ce que je suis : la pousseuse de crayon.
Quand j’arrête, quand le crayon cesse de souffrir sous ma main, je n'existe plus. Je n’ai pas de forme, pas de visage, je ne suis qu’un nom sur une feuille, une note gravée comme un jugement, je suis effacée. Je cherche à croire que tout ça est un talent, que mon travail est le fruit d'un don, mais au fond, je sais. Ce n’est pas le talent ni l'effort, même si je l’aimerais, c’est l’obsession de ne pas disparaître, l’obsession d’être quelqu’un dans un monde où l’on te réduit à des chiffres.
Pourtant, chaque fois que je me vois derrière cette note, je vois les autres, je vois leurs talents, et moi, je vois un vide qui me ronge. Les heures que je passe à étudier ne me rendent pas meilleure, elles ne font que me montrer mes failles. Est-ce normal de devoir pratiquer son identité comme on récite une leçon? Je suis fatiguée de cette lutte, de cette guerre silencieuse entre mon esprit fatigué et ce qu’ils attendent de moi. J’aimerais ne pas avoir à prouver que je suis quelqu’un. Peut-être faut-il que je m’en convainc d’abord, mais en attendant, je suis là, toujours derrière mes livres, mes chiffres et je me demande si, au fond, je ne serai jamais assez.
Danyka Fortin