Je m’installe sur mon banc, je me concentre sur la partition et, quand je commence à jouer, je ne pense plus à rien. Plus de regrets, plus de remords, plus de questions. Je ne me demande plus si j’ai été parfaite aujourd’hui. Je n’entends plus que le son de mon violoncelle qui fait résonner toutes les parcelles de mon corps. Je ne sens plus la pression qui m’empêchait jusque-là d'être moi.
Je joue chaque note en y mettant le plus d’émotions possible, comme si je voulais faire sortir tout ce que je n’ai pas osé dire. Parce que oui, il arrive que les gens ne s’expriment pas. Ce n’est pas parce que quelqu’un ne dit pas qu’il se sent mal que ça va forcément bien.
Je suis sur mon nuage. J’ai l’impression que tout va bien. Mais le doute revient et je me demande si j’ai vraiment joué la bonne note. Je regrette. J’y repense en me disant qu’elle sonnait bizarrement. Est-ce que, si je la rejoue, elle va sonner faux aux oreilles des autres? Est-ce que je peux la retravailler pour qu’elle se conforme aux attentes? Mais il est trop tard. Pour l’instant, elle est jouée. Si je veux faire mieux, je vais devoir attendre la prochaine occasion.
Certains me diront qu’elle est belle comme elle est, que je ne devrais pas la changer si je l’aime. Mais je m’obstine, je ne l’aimerai que lorsque les autres la trouveront parfaite. Est-ce que ça va arriver un jour? Non, jamais. Parce que les autres doivent aussi s’occuper de leur propre musique. Et si je continue à trop m'en soucier, au final, je ne prendrai jamais le temps d’apprécier la mienne.
Mélissa