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Une affaire florissante

Alicia Bourdages

Écrit par : Alicia Bourdages

École : Polyvalente Deux-Montagnes

Année scolaire : 2024-2025

Publié le : 13 Décembre 2024

(PARTIE 1)

16h52. L’inspecteur Duchesne réprima un juron en jetant un bref coup d'œil à sa montre. Il devait être chez les Tremblay pour 17 heures, et en dépit du fait qu'on ne l'attendait pas, Duchesne devait impérativement leur parler. La bouteille de champagne onéreuse qu’il avait acheté pour se faire pardonner cette visite inopinée tinta dans son sac tandis qu’il ralentissait légèrement en apercevant sa sortie à moins de deux kilomètres. Enfin! Il craignait de manquer l’apéritif.

 

Cela faisait plusieurs années que le cinquantenaire était policier et travaillait sur l'affaire, or il s'en était vu retirer la responsabilité lorsque la Sûreté du Québec prit entièrement en charge le dossier en raison du manque de ressources du service de police municipal. Toutefois, celui-ci n'avait pas accepté de se cantonner à nouveau à la patrouille de la circulation routière et poursuivait l'enquête en dehors de ses heures de travail.

 

L’officier amorça un virage serré pour quitter l’autoroute et consulta brièvement ses notes en patientant au feu rouge. Poppy Brown en 2011, Daisy Sharma en 2015, Rosanna Ahmad en 2018 et Camélia Pelletier cette année… Sans compter toutes les victimes qui se sont succédées chaque année depuis 2010. 14 victimes en 14 ans. 14 jeunes filles enlevées dans la région, 14 jeunes filles de 15 à 30 ans arrachées à leur famille et évanouies dans la nature. Parmi ces pauvres femmes, sa fille, Jacinthe. Duchesne crispa les poings sur le volant et écrasa la pédale de l’accélérateur tandis que le feu passait au vert. Il ne laisserait pas le fautif s’échapper de nouveau. 

 

Il s’engagea en cahotant dans un chemin forestier jonché de branches mortes menant à la roseraie reculée des Tremblay. Tout le monde s’entendait à dire qu'ils formaient un couple charmant dans la cinquantaine qui faisait pousser toutes sortes de fleurs sur leurs vastes terres. Tout le monde les connaissait, et ils étaient également de vieilles connaissances de l’enquêteur. Ils suscitaient d’abord beaucoup d’admiration en réussissant à faire pousser autant de végétaux dans une zone peu fertile, mais surtout de la sympathie comme leur fille Alice fut emportée par un cancer il y a de cela quelques années.

 

Le lieutenant parvint finalement à se garer dans une allée bordée de massifs de fleurs de lys. Elle menait à une petite boutique close affichant une enseigne défraîchie sur laquelle on lisait le mot ‘‘Fleuriste’’ en lettres cursives décolorées et à un chalet de pierre beige aux volets rouges un peu plus loin, qui était la demeure du couple. C’était le mois de mai, soit l’époque de la floraison et les champs se coloraient de nuances pastel. Ce dernier pouvait comprendre pourquoi Camélia adorait venir ici. Néanmoins, il flottait comme toujours dans l’air une odeur de roses presque… suffocante. Les Tremblay lui avaient expliqué un jour lorsque qu'il achetait un bouquet pour sa défunte femme qu'ils utilisaient un parfum de rose pour camoufler naturellement l'odeur du crottin d'animal dont ils se servaient souvent comme engrais et celle-ci était constamment forte. Duchesne plissa le nez et se dirigea vers la porte d’entrée du bungalow, puis toqua trois coups. Un long silence. Il s’attarda sur le seuil et perçut un léger mouvement de rideaux derrière la fenêtre. Il s'en approcha discrètement et croisa une demi-seconde le regard fuyant de Martin Tremblay, dont le visage disparut aussitôt à l’intérieur. Confus, le policier attendit encore quelques instants avant que Martin, un homme jovial et vigoureux malgré ses cinquante ans passés, le fasse entrer avec un sourire crispé et un peu nerveux. 

 

Duchesne s’excusa pour sa visite imprévue en offrant la bouteille de champagne pourpre à Martin, aux yeux duquel il se savait déjà pardonné. La femme de celui-ci, Sandra, s’essuya les mains sur son tablier de cuisine avec un sourire chalereux et l’invita à passer au salon: «Bonjour Patrick! Je t’en prie, dis-nous ce qui t’amène. Puis-je t’offrir un thé?»

 

L’inspecteur s’installa dans un fauteuil et sirota sa boisson à petites gorgées en humant l’air toujours chargé de ces odeurs florales omniprésentes. Pendant que Sandra s’affairait à disposer des biscuits, du pain et du fromage sur un plateau de service, le regard de l’enquêteur se posa sur la photographie encadrée d’une jeune fille aux cheveux blonds et aux yeux bleus avec des traits juvéniles. On lui donnerait à peine huit ans. 

 

«Notre fille, Alice, s’attendrit Martin. Le printemps était sa saison favorite et elle se passionnait pour les fleurs, en particulier les fleurs de lys. Nous faisons tout cela pour elle.»

 

À suivre…

 

Alicia

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