Tu as éventré mon ventre avec tes mots,
déchirant ma peau comme du papier mouillé.
Le bout de tes doigts ruisselait de mon sang,
à force d’avoir fendu mes veines et piétiné mes os,
craquant chacun d’eux sous ton talon
comme s’ils n’étaient que fragments d’ivoire sans valeur.
Avec des yeux brillants d’une adoration perverse,
je t’ai regardé arracher un à un mes doigts,
les déchirant de leur chair,
comme on arrache les ailes d’un insecte pour le voir ramper.
Je pleurais — non pas de douleur — mais d’extase,
parce que pour une fois, tu me regardais.
J’ai recousu mes plaies avec des aiguilles rouillées,
les mains brisées, les nerfs à vif,
la chair collée de sang séché et de honte.
Chaque point, la douleur chantait dans mes os.
Mais, je le faisais, encore et encore,
sans jamais savoir si le lendemain,
tu planterais la lame plus profondément dans ma chair, jusqu’à racler la moelle.
Tu sais ce que c’est toi,
le déshonneur de revenir vers celui qui t’a éventrée ?
De ramper, la langue dans la boue,
en espérant une caresse après le coup ?
Non. Bien sûr que non.
Tu n’as jamais écouté ma douleur.
Tu n’as jamais voulu entendre mes hurlements étouffés.
Tu étais un cannibale sentimental,
dévoreur d’âmes, buveur de cris.
Mentalement dissoute, j’ai naïvement cru
qu’un jour tu te lasserais de me battre jusqu’à l’os.
Mais non.
Après avoir arraché mes bras, mes jambes,
tu as plongé tes mains dans ma poitrine—
tu as ouvert mes côtes une à une,
et saisi mon cœur encore battant,
comme un fruit trop mûr, pour le presser entre tes paumes.
Impitoyable.
Insensible.
Monstrueux.
C’était toi, dans ta version la plus pure.
Mais,
je t’aimais tellement.
Ton regard n’était que haine distillée,
ta bouche avide suçant mes entrailles
comme pour savourer mes hurlements étouffés.
Et moi ?
J’en voulais plus.
Pas par plaisir,
mais parce que c’était la seule façon dont j’existais à tes yeux.
Tu étais une bête magnifique,
déguisée sous un masque de velours carmin.
Je n’ai jamais su ce que tu pensais vraiment.
Ta voix me flattait pendant que tes mots me déchiraient de l’intérieur.
Ton plaisir coupable,
c’était moi.
Ta violence verbale était un marteau,
brisant mes phalanges chaque fois que je tentais de fuir.
Parfois, j’entendais les craquements de mon crâne,
fissuré de l’intérieur,
simplement parce que ton regard croisait le mien.
Comme si ton regard seul pouvait m’éclater le cerveau.
Je t’aimais.
Tellement fort,
que je te pardonnais toujours.
Encore et encore,
pendant que le sang tapissait les murs de ma conscience,
en longues traînées écarlates.
Je ne pouvais que hurler,
pendant que tu enfonçais ta main dans ma gorge,
jusqu’à m’arracher les mots.
L’amour rend aveugle.
Je m’y suis agrippée comme à une vérité,
même quand l’idée de mourir
ne suffisait plus à prouver mon dévouement.
J’aurais tout fait.
Tout.
Je t’ai même offert mon cœur,
trop faible, trop fragile,
posé sur un plateau d’argent stérile,
encore palpitant,
avec ton nom gravé dans la chair.
Mais tu ne l’as même pas regardé.
Pourquoi ?
Suis-je trop sale ?
Trop cassée ?
Mais c’est toi qui m’as transformée en carcasse.
Alors pourquoi suis-je encore celle qui s’excuse ?
Je revenais toujours,
comme un chien éventré qui n’a jamais appris à mordre,
trainant mes entrailles derrière moi,
dans l’espoir que, cette fois, tu me verrais.
Juste un peu.
Je t’aimais,
vraiment.
Et j’aurais tout fait pour que tu me regardes
comme tu regardais les autres,
ceux qui ne saignaient pas pour toi.
Parmi tous les cris de douleur,
tous les râles et les supplications,
je suis sûre que tu m’as aimée.
Mais tu étais trop cruel,
trop vide,
trop monstrueux
pour t’en rendre compte.
-Charlie Sauvé 14 ans.



