J’ai passé ma vie à me transformer pour entrer dans leurs cases, à sourire quand j’avais envie de pleurer, à dire oui quand tout en moi criait non. Comme un caméléon, je m’adapte à tout et à tous, changeant de couleur selon les regards qui se posent sur moi. Mes gestes sont des ajustements, mes sourires des illusions.
J’ai bâti des murs de sourires et des masques d’approbation, jusqu’à oublier ce qu’il y avait véritablement derrière. Chaque mot, chaque mouvement, est calculé pour plaire — et dans ce jeu d’adaptation, je me perds un peu plus chaque jour. À force de vouloir être aimée, je ne sais plus qui je suis sans mes masques. Ils deviennent lourds, étouffants, à chaque sourire forcé.
J’ai compris très tôt que dire non avait un prix. Un prix payé en silence, en solitude, en peur d’être rejetée. Au secondaire, le rejet est une blessure invisible, mais profonde. Les regards deviennent des chaînes qui m’empêchent d’être moi. Je voudrais être vue telle que je suis, mais chaque œil posé sur moi m’oblige à me métamorphoser encore une fois. Pleurer en silence est devenu plus simple que d’avouer ma fatigue.
Je cours après des regards qui ne voient rien, après une reconnaissance qui s’efface dès que je cesse de plaire. Chaque sourire est un effort, chaque mot un costume, et mon cœur reste invisible derrière le camouflage. Mes couleurs changent selon les autres, mais jamais elles ne reflètent ce que je ressens vraiment.
Depuis un moment, j’essaie de sortir de ce cercle vicieux. Mais une question me hante : «Si je cessais de plaire… que resterait-il de moi?». Mes mots sont teintés pour être acceptés, mes émotions filtrées pour ne pas déranger. Je m’adapte si bien que parfois, je ne me reconnais plus dans mon propre reflet.
Pourquoi ai-je commencé à être un caméléon ? Peut-être parce que, depuis toujours, j’ai eu peur d’être de trop. Au primaire, je me suis souvent sentie rejetée par les autres élèves. Je me sentais mise de côté dans tous les points. On m’a souvent fait comprendre que j’étais trop sensible pour la population qui est si rude. J’ai donc changé mes émotions pour être parfaite. J’ai toujours fait en sorte d’être celle qu’on n’oublie pas.
J’ai toujours cherché l’approbation dans chaque geste, chaque mot, chaque regard. J’ai peur de décevoir et peur de pas être assez. Plaire est devenu un art que je maîtrise à la perfection —mais à quel prix ? Peut-être qu’un jour, je laisserai tomber mes masques et mes vraies couleurs brilleront enfin…pour moi.
Je sais que je ne suis pas seule à montrer un visage parfait. Mais maintenant, je ne veux plus fuir. Je veux vivre et être moi-même.
Alyssia Lessard



