Invisibilité n.f [ɛ̃.vi.zi.bi.li.te]
Caractère de ce qui n’est pas visible.
Quand j’étais petite, on m’a appris avec des contes, des films, des légendes, que l’invisibilité était une aptitude qui créait des superhéros. Puis, j’ai grandi. Maintenant, je comprends que ce qui devait être un merveilleux don du destin est surtout une malédiction ; un mauvais sort lancé par un entourage distant ; une damnation qui nous pousse à nous renfermer ; une fatalité des plus dure à combattre. Je me rends compte que l’invisibilité est un costume que l’on te force à revêtir pour que les gens t’oublient, sans remords.
C’est fou comment l’âge change la perception des choses. Quand mon insouciance ne m’avait pas délaissée, je voyais la transparence comme une capacité surhumaine, mais maintenant que l’anxiété et les troubles ont remplacé l’innocence, je le ressens comme un effacement forcé. Un éloignement précipité ou le n’ont ne m’as jamais laissé le choix. Désormais, je suis continuellement entourée de personnes que je traverse sans qu’ils ne daignent donner de l’attention au fantôme que je suis devenue. Je marche, mange, étudie aux côtés de personnes qui ont un œil défaillant. Un œil sélectif qui ne me choisit pas aujourd’hui ni demain. Je ris avec des amis qui ne me prêtent plus d’importance. Mes mots sont balayés du revers de la main pour laisser place aux leurs. Je me retrouve enfermée dans un costume trop serré qui laisse les remarques lui couler dessus en me marquant au fer rouge. Une enveloppe qui renferme tous mes états d’âme pour voir les dialogues ou je ne suis plus inclue lui voler au-dessus de la tête. Et quand par mégarde, une supplique s’échappe, une protestation s’envole, une demande passe mes lèvres, elle traverse la tête de mes proches sans s’y attarder. Aucune action n’est posée ce qui me laisse dans un néant de « et si » en attendant une réaction qui ne viendra jamais.
Alors je vois tout ce qui se passe autour de moi sans vraiment le voir. J’entends tout sans écouter. À la longue, tu finis par te faire à l’idée que tu es seule même quand tu es entourée. Tu finis par mentir pour répondre aux questions que te posent les autres pour se dire « présent ». Tu finis par accepter ce maléfice de la vie et tu commences à souffrir en silence. Tu vois tes relations sociales s’écrouler et tu ne fais plus rien pour les retenir. Tu arrêtes d’essayer, car quand tu le fais, personne n’écoute. Personne n’agit. Désormais, les efforts que je mettais pour rester connecté à la vie réelle se déversent dans ceux pour l’y échapper. Aujourd’hui, je suis seule, j’ai mal et je l’accepte, car c’est la seule chose qui me permet de survivre.
-Éliane
