Femmes de science. Écrit par Alicia Bourdages, blogueuse de La deMOIs'aile

Le mois de mars marque le début du printemps, et c’est également le mois de l’histoire des femmes. C’est pourquoi mon dernier article cette année porte sur trois femmes scientifiques aux accomplissements remarquables qui devraient être davantage connues; Gladys West, Rosalind Franklin et Hedy Lamarr.

Gladys West

Avant de devenir une brillante mathématicienne, Gladys West, née Brown, vivait à Sutherland aux États-Unis durant la période de la Grande Dépression. Elle est née le 27 octobre 1930 au sein d’une famille nombreuse d’agriculteurs afro-américains, ce qui la contraignit très tôt à aider ses parents à la ferme familiale. Gladys aspire à une vie meilleure, mais sa naissance dans un État du Sud très ségrégationniste limite considérablement ses opportunités. Elle parvint néanmoins à décrocher une bourse d’études pour la Virginia State University en sortant major de la promotion de 1948 de son lycée. La jeune femme fut diplômée d’un master en mathématiques et obtint un travail à Dahlgren pour le Naval Surface Warfare System, une base militaire testant des armes et de nouvelles technologies. Elle y travaille comme programmeuse sur des ordinateurs de grande puissance et récolte des données satellitaires durant des décennies avec pour but de modéliser la forme de la Terre. Les travaux de cette scientifique de génie permirent le développement du GPS (Global Positioning System), une technologie essentielle pour localiser n’importe quoi à la surface de la Terre. Pour ses impressionnantes réalisations, Gladys West devint la première femme noire à être intronisée au Hall of Fame des pionniers de l’espace de l’US Air Force. Cette dernière a aujourd’hui atteint l’âge vénérable de 94 ans et vit retraitée en Virginie.

La mathématicienne Gladys West et son mari Ira West (également mathématicien)

Rosalind Franklin

Rosalind Elsie Franklin est une pionnière de la biologie moléculaire et la scientifique à l’origine de la découverte de la structure en double hélice de l’ADN. Elle est née le 25 juillet 1920 dans la ville britannique de Notting Hill de riches parents juifs. Ceux-ci, très impliqués dans son éducation, l'encouragent à poursuivre de longues études. La jeune fille réalise ainsi ses études secondaires à la St Paul’s Girls’ School, puis étudie la chimie et la physique au Collège Newnham à Cambridge. Après avoir obtenu un doctorat en physique-chimie à l’université de Cambridge en 1945, elle se rend au Laboratoire central de services chimiques de France pour y étudier la cristallographie et les rayons X. De retour à Londres quelques années plus tard, elle se penche sur les mystères de l’ADN et parvient à faire avancer les connaissances sur le sujet en perfectionnant les modèles déjà existants. La chercheuse passionnée prit également des radiographies de molécules d’ADN au moyen de la technique de diffraction de rayons X acquise lors de ses études en cristallographie. C’est ainsi qu’elle détermina que l’ADN possède une forme d’échelle torsadée avec des bases azotées au centre entourées d’un squelette de sucre. Cependant, ses travaux déterminants furent transmis par son ancien collègue Maurice Wilkins sans son consentement aux savants James Watson et Francis Crick, notamment le fameux cliché 51 sans lequel la compréhension de la structure de l’ADN aurait été impossible. Les trois hommes publièrent ensemble les clichés de Rosalind dans la revue Nature sans aucune mention de l’implication de celle-ci. Franklin fut incapable de prouver qu’elle était la femme derrière cette découverte. Furieuse, elle intègre le Birkbeck College où elle étudie des virus comme celui de la poliomyélite. Cette scientifique émérite meurt en 1958 d’un cancer de l’ovaire et ne reçoit donc pas le Nobel de médecine qui fut remis à Wilkins, Watson et Crick, en partie, car cette distinction exceptionnelle ne peut être remise à titre posthume. Ses recherches furent donc longtemps demeurées dans l’ombre. De nos jours, heureusement, ses contributions scientifiques sont mondialement connues et plusieurs instituts de recherche et prix portent son nom. Ses travaux ont inspiré beaucoup de chercheurs, en particulier des femmes, et ont ouvert les portes à de nouvelles découvertes dans de nombreux domaines, tels que l’hérédité, la virologie et la chimie.

Rosalind Franklin

Hedy Lamarr

Hedy Lamarr est à la fois une actrice austro-hongroise et la femme derrière l’invention du Wi-Fi. Issue du milieu privilégié de la bourgeoisie autrichienne d’une mère pianiste et d’un père banquier, Hedwig Kiesler naît à Vienne le 4 novembre 1914. Elle est douée d’une beauté et d’une intelligence hors du commun; la jeune fille apprend le piano, l’équitation ainsi que le ballet et parle quatre langues. Cette dernière abandonne pourtant ses études très tôt pour se consacrer à sa passion pour les arts de la scène. Son inscription aux studios Sasha la propulse rapidement sous le feu des projecteurs dans des films autrichiens et allemands, comme «Tempête dans un verre d’eau». Toutefois, c’est avec le drame érotique controversé Extase de Gustav Machaty qu’Hedwig, maintenant âgée de dix-neuf ans, se fera connaître. Après un mariage forcé avec l’industriel Fritz Kandl, un homme proche de Mussolini et des nazis, Hedwig fugue aux États-Unis, où elle adopte le pseudonyme de Hedy Lamarr. Celle-ci poursuit ses activités d’actrice et aime réaliser diverses inventions dans son atelier. Au-delà de ses créations allant de colliers pour chiens à des systèmes pour aider des personnes handicapées à sortir de leur bain, Hedy désire participer à l’effort de guerre. Elle décide de s’allier à son ami pianiste George Antheil pour mettre au point une technologie de transmission de signaux avec pour objectif de lutter contre le torpillage des bateaux. Cette idée révolutionnaire pour laquelle la marine américaine ne démontra d’abord que peu d’intérêt est pourtant à l’origine de systèmes encore utilisés aujourd’hui, comme le positionnement par satellite et les téléphones portables. Hedy ne reçut malheureusement jamais de reconnaissance pour son concept aujourd’hui estimé à une valeur de 30 milliards de dollars, qui sera plus tard utilisé durant la crise des missiles de Cuba et la guerre du Viêt Nam. Cette actrice de renommée mondiale, célébrée à la fois pour sa beauté et son esprit, s’éteignit le 19 janvier 2000 et fut admise au National Inventors Hall of Fame à titre posthume avec Antheil en 2014.

Hedy Lamarr