Selon vous, à partir de quel âge sommes-nous en mesure de vivre pleinement notre deuil ?
Selon moi, cela dépend de chaque personne à partir de notre niveau de maturité. À 9 et 11 ans, la petite fille que j’étais ne savait pas comment vivre le deuil. Malgré toutes les travailleuses sociales et professeurs qui m’aidaient, me guidaient à travers ces étapes, je n’ai pas réussi à faire mon deuil. Aujourd’hui, je pleure à chaque année lors de la date du décès de mes grands-parents alors que j’ai maintenant 16 ans. Je ne dis pas que je n’ai pas pleuré; au contraire, j’ai énormément pleuré à ces moments-là.
Au décès de mon grand-père, j’avais seulement 9 ans et mon papi était une personne importante dans ma vie. Malheureusement, je ne me souviens plus de lui. L’image que j’ai de lui est celle de la photo de famille affichée dans mon salon qui date de lorsque je n’avais que 2 ans. Son rire, sa façon de parler (qui à ce que j’entends parler, était particulière), ses histoires, nos moments passés ensemble, plus rien, je ne me souviens de rien. J’aimerais pouvoir me souvenir d’autres choses que de son cadavre à l’hôpital, étendu sur un lit avec tout le monde qui pleure autour. À part le jour de sa mort, la seule chose dont je me souviens de lui est parfois où, lorsque j’allais à la garderie, il venait me chercher juste avant le diner et je mangeais du poulet popcorn. Lorsque j’entends ma famille parler de lui, je les envie parce qu’eux se souviennent de lui. Mes sœurs sont plus vieilles, elles ont donc plus de souvenirs avec lui. Leur cerveau a également décidé de garder des souvenirs, contrairement au mien. Cette année, nous sommes allés rendre visite au frère de mon grand-père, ils ont parlé de lui et tout ce que je me disais, c’était que je ne me souvenais pas de lui et cela m’a brisé le cœur.
Au décès de ma grand-mère, j’avais 11 ans, j’étais plus âgée, mais encore la même chose, je ne savais toujours pas comment vivre un deuil. Pour ma grand-mère, j’ai plus de souvenirs qu’avec mon grand-père, mais mon cerveau a effacé beaucoup de souvenirs. Je me souviens d’elle et moi jouant au Yum. Parmi les souvenirs effacés de ma mémoire, il y a les nombreuses fois où pendant l’année qui a suivi le décès de son mari, j’allais lui faire à souper au micro-onde les soirs après l’école, car ma mamie était malade et ne pouvait plus être autonome. C’est comme si les rôles de ma mère et de sa mère à elle avaient été échangés, car ma mère s’occupait de sa mère comme si c’était sa fille. Ce souvenir, il m’a été raconté il y a un moment. Ce moment où j’ai réalisé que ma mémoire avait effacé
plusieurs de mes souvenirs. Les autres souvenirs que j’ai de ma grand-mère sont les pires moments de sa vie. Lorsqu’elle était mourante au Bouleau blanc. Pour ceux qui ne savent pas, le Bouleau blanc est une maison où les personnes qui vont bientôt mourir vont pour se faire donner des médicaments pour les rendre bien, pour qu’ils n’aient plus mal, car les médecins ne sont pas capables de les guérir. Je me souviens de ma famille et moi jouant aux cartes avec elle, mais qu’il fallait toujours lui réexpliquer les règles, car elle les oubliait. De plus, je me souviens de notre Noël en pyjama, car elle était toujours en pyjama. Lorsqu’elle devenait trop faible, je sais que nous allions dans le salon des invités et que nous jouions à Trivia Crack tous ensemble. Le jour de sa mort, il parait que lorsque je suis arrivée dans sa chambre, j’ai hurlé et me suis sauvée au sous-sol. Ce moment, je l’ai oublié pour toujours, car même en me le faisant raconter, je n’ai aucun flashback. Ma famille avait déjà commencé son deuil avant sa mort, mais du haut de mes 11 ans, je crois que j’espérais qu’un jour, elle irait mieux. Sa mort a été plus dure que celle de mon grand-père, car elle était devenue ma meilleure amie. Tous les moments de libres que j’avais, je les passais avec elle. Ma mère a même fini par m’empêcher d’aller la voir au Bouleau blanc.
Le deuil a 6 ou 7 étapes, elles m’ont toutes été expliquées des milliers de fois, mais je ne les ai jamais comprises. Comment sommes-nous supposés accepter la mort de personnes que nous aimons ? Je suis effrayée de toujours pleurer en pensant à eux. Le déclic que je n’avais pas fait de mon deuil a été le moment où mes parents ont amené l’urne dans ma maison. Je ne suis pas bien de la savoir dans mon salon un an plus tard.
Sky