Dans un monde où la force est souvent synonyme de silence, j’ai appris à construire des murs autour de moi. Chaque brique que je posais représentait une promesse faite à moi-même: celle de ne jamais montrer mes faiblesses, de demeurer imperturbable face aux tempêtes émotionnelles. J’étais déterminée à incarner l’image de la femme forte, celle qui ne plie pas, qui ne fléchit jamais.
Pourtant, à l’intérieur de moi, une lutte acharnée se déroulait. Mes sentiments, tels des vagues tumultueuses, cherchaient à déferler. Tristesse, peur, vulnérabilité…toutes ces émotions étaient là, prêtes à éclater, mais je les étouffais avec la force d’une armure invisible. Je croyais que montrer mes émotions signifierait un échec, une faiblesse que le monde ne me pardonnerait pas.
La douleur de perdre mon père a été un moment charnière dans cette lutte. Même face à cette perte dévastatrice, je n’acceptais pas de ressentir la douleur. J’ai mis en œuvre tous les mécanismes de défense possibles pour étouffer cette souffrance, persuadée que pleurer serait un aveu de faiblesse. Je me suis forcée à rester forte pour ma famille, à porter le poids du chagrin sans jamais fléchir. Mais au fond, chaque jour était une bataille, chaque souvenir de lui était un rappel cruel de ce que je m’efforçais de cacher.
Dans cette société où l’on cache qui l’on est vraiment, j’ai choisi de mettre ce masque de l’ado souriante. Un sourire, une blague, une attitude insouciante, tout cela m’aidait à camoufler mes véritables sentiments. Je me suis convaincue que, tant que je faisais rire les autres, je pourrais masquer ma souffrance. Mais derrière cette façade, je me sentais de plus en plus isolée, piégée dans un rôle qui ne correspondait pas à la réalité de mon cœur.
J’en suis même venue à m’interdire de ressentir de l’amour, craignant que ceux qui m’entouraient ne me comprennent pas ou me jugent. L’idée d’ouvrir mon cœur à quelqu’un me terrifiait. Je pensais que, si je laissais l’amour entrer dans ma vie, cela exposerait encore plus mes vulnérabilités, et je ne voulais pas prendre ce risque. Ce refus d’aimer était un mécanisme de protection, mais il m’a également privée de la beauté et de la profondeur des connexions humaines.
Je me souviens d’une soirée, assise seule, observant les étoiles scintillantes dans le ciel. Chaque étoile semblait murmurer des vérités que je m’efforçais de fuir. Pourquoi avais-je si peur de ce que je ressentais? Pourquoi était-ce si difficile d’accepter que la faiblesse pouvait aussi être une forme de force? Les larmes, qui auraient dû couler librement, restaient prisonnières derrière mes paupières closes. Je savais, au fond de moi, que ces sentiments ne me tueraient pas, mais plutôt qu’ils étaient essentiels à ma lumière intérieure.
Avec le temps, j’ai compris que la véritable force réside dans la vulnérabilité. Accepter mes émotions, c’était me libérer. C’était reconnaître que je suis humaine, faite de nuances et de contradictions. Les sentiments ne tuent pas ; ils nous façonnent, nous enseignent, et nous rapprochent des autres. Chaque larme versée, chaque éclat de rire partagé, devient une brique précieuse dans la construction d’une version plus authentique de moi-même.
Ainsi, j’ai commencé à briser mes murs, à laisser entrer la lumière. J’ai appris à dire que j’avais mal, que j’avais peur, que je pleurais la perte de mon père, mais aussi que j’étais heureuse de l’avoir connu. J’ai commencé à ouvrir mon cœur à l’amour, à laisser cette belle émotion m’envahir, sans craindre le jugement des autres. Et dans cette acceptation, j’ai trouvé une force bien plus grande que celle que j’avais toujours espérée: celle de l’authenticité.
Lévana