Faire le deuil d'une personne vivante, c'est d’attendre de recevoir un appel, d’attendre de croiser la personne… De savoir que la personne serait très bien en mesure de répondre, mais choisit de ne pas le faire. C'est d'attendre longtemps et à chaque fois que tu ne reçois pas de nouvelles, un nouveau couteau s'enfonce dans ton cœur. J'ai fait ce deuil deux fois dans ma vie.
La première fois, j'ai fait le deuil d'avoir un père le jour où il m'a mis à la porte. Ce jour-là, en sortant de la maison, je me suis revue toute jeune en train de me tirailler avec mon père, je m'entendais rire avec lui. Je voyais tous les moments que j'ai passé avec lui, à rire, à pleurer, et à être réconfortée quand j'avais peur… Malheureusement, tous ces beaux moments, n'empêchaient pas la souffrance, la peur et la colère que j'ai vécu, seule, haute de mes onze ans. J'ai enterré ces souvenirs en moi, et j'ai passé le cadre de porte, sans me retourner.
La deuxième fois, j'ai fait le deuil d'avoir une mère. Quand j'avais quatre ans, elle s'est blessée au dos… Tellement qu'elle a dû avoir plusieurs chirurgies, elle devait aussi prendre beaucoup de médicaments. Ces médicaments créaient des somnolences, donc elle était toujours en train de dormir. J'ai des souvenirs de moi jeune qui essaie de la réveiller pour jouer à la poupée avec elle, je n'en est jamais été capable. Au haut de mes six ans, j'ai appris comment utiliser du naloxone (un médicament contre les overdoses d'opioïdes.) J’ai appris à cuisiner, à faire mes devoirs seules, et à m'occuper de moi-même. Du haut de mes treize ans, j'ai réalisé que ma mère avait des problèmes d'addiction, j'ai aussi réalisé que je ne pouvais pas la forcer à arrêter. Et du haut de mes quatorze ans, j'ai fait le deuil d'avoir une mère présente, qui répond à mes appels, qui me dit “Je t'aime, Fay” en étant lucide.
Si tu es comme j'étais, c'est correct de les laisser se débrouiller eux-même, tu es l'enfant. Un jour, tout ira mieux, je te le promets.
Fay